Espérance : Douzième Méditation


L’ESPERANCE  INVINCIBLE  A la fin, mon Cœur Immaculé triomphera
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Abbé Régis de CACQUERAY


 


Pour nous souvenir des circonstances dans lesquelles la dévotion à la Conception Immaculée de la Vierge Marie commença de s’épanouir en France, il faudrait certainement nous rappeler la place de choix qui revient à Monseigneur Geoffroy de Montbray, évêque de Coutances. Ce prélat de la sainte Eglise fut, en effet, le premier à consacrer la cathédrale de son diocèse à « Marie conçue sans péché ». C’était le 8 décembre 1057, huit siècles avant la proclamation du dogme.

Avec ses flèches s’élevant par dessus les maisons dans le ciel de Coutances, l’église de l’Immaculée traversa les vicissitudes des temps ; la seconde guerre mondiale elle-même, malgré les terribles bombardements qui anéantirent soixante pour cent de la ville, la laissa intouchée. La voyant se dresser, intacte au milieu des décombres, les témoins de cette préservation ne purent que ressentir la force et la puissance de « l’état de grâce » qui émane de ce sanctuaire marial, invincible invite à l’espérance et à la restauration du monde.

Mais, et les paroles de la postcommunion de la Dédicace des Eglises savent nous le rappeler, ce sont les pierres vivantes de nos âmes que Dieu choisit pour bâtir la demeure éternelle de Sa gloire. Ce qu’Il a voulu faire pour un temple de pierre dédié à sa Mère, combien plus voudra-t-Il le renouveler pour notre âme qui lui sera un sanctuaire infiniment plus cher, pour peu que nous ayons à cœur de le consacrer à l’Immaculée. Recherchons donc le secret qui nous permettra de nous livrer vraiment à cette maternelle protection.

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Et la femme s’enfuit dans le désert où elle avait une place préparée par Dieu.
(Apoc. XII, 6)


Cet extrait de la quatrième Vision de l’Apocalypse nous rappelle que le combat engagé par le démon contre l’Eglise fondée par Notre Seigneur et contre toutes les âmes, ne s’achèvera qu’à la fin des temps. Si l’Epouse du Christ peut, parfois, connaître des périodes de prospérité, elle peut aussi, lorsque la foi est persécutée, descendre dans les catacombes et, « laissant la pompe des cérémonies et les manifestations extérieures du culte, elle se réfugie dans le secret des cœurs, où Dieu lui a préparé une place, où Il a établi ces sanctuaires intimes » (1).

Car le combat de chaque âme contre ses ennemis, commence d’abord dans le cœur. « C’est, en effet, de l’abondance du cœur que parle la bouche » (Mt XII, 34). Le tout premier assaut du diable consiste à stopper notre élan vers le bien. Ainsi nous sommes tentés d’installer une trêve, apparence de paix qui risque de nous désarmer dangereusement, nous rendre vulnérables aux influences néfastes du monde. Alors, tout doucement, sans y prendre garde, nous dévions et perdons peu à peu la foi et l’espérance, simplement parce que nous cessons de combattre avec ardeur pour qu’advienne l’heure de Dieu. « Car le cœur de ce peuple s’est appesanti ... » (Mat XII, 15).

Il est vrai que chaque jour est porteur d’un nouvel appel à la désespérance. Ne nous fions pas au nombre de cœurs qui restent fidèles, au nombre de ceux qui espèrent encore dans le triomphe de la juste cause : nous risquerions trop d’être déçus car, tels l’armée de Gédéon, ils sont de moins en moins nombreux !

Sursum Corda ! Ces désillusions, ces déceptions, ces échecs, ces erreurs, ces trahisons... ce n’est pas pour nous décourager que Dieu les permet ! Bien au contraire, car c’est pour nous apprendre à L’aimer en esprit et en vérité, et pour que nous vivions profondément l’acte d’espérance que nos lèvres ont si souvent prononcé : « cette victoire nous l’attendons de Vous seul ô mon Dieu et non des hommes, parce que Vous l’avez promis et que Vous êtes fidèle dans vos promesses ».

Or quelles sont les promesses de Dieu ? Il les a annoncées dès la chute en s’adressant au serpent qui croyait nous avoir vaincu : « Je mettrai des inimitiés entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : elle te brisera la tête, et toi, tu lui tendras des embûches au talon » (Gen III; 15).

Depuis, Il les rappelle inlassablement au cours des temps : Il s’incarne dans le sein de celle qui, telle une aurore, était déjà présente en espérance dans le jardin d’Eden après la faute ; sur le Calvaire où les dernières paroles du Christ, Dieu fait homme, opèrent dans l’âme de sa mère pour établir cette maternité spirituelle qu’elle déploie sur chacun d’entre nous ; puis, dans ces derniers temps, c’est elle qui vient en personne visiter la terre à diverses occasions pour raviver la foi et l’espérance de ses enfants. Parmi ses apparitions, celle de Fatima apporte une précision, clef de la victoire future de l’Eglise : « Jésus veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. A qui embrassera cette dévotion, je promets le salut, ces âmes seront chéries de Dieu... Ne te décourage pas, je ne t’abandonnerai jamais ! Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira à Dieu » (2).

A Fatima, Dieu nous révèle Sa volonté de nous voir établir le règne de Marie dans nos âmes, règne qui, tout comme la naissance de la Vierge bénie préludait à l’accomplissement prochain de notre Rédemption, annoncera celui de Jésus-Christ. C’est pourquoi la dévotion au Cœur de sa mère est étroitement liée au culte du Cœur de Jésus, double dévotion qui repose sur le solide fondement des dogmes de l’Incarnation et de la Rédemption. Dès lors, si Marie règne dans notre cœur, elle fera régner son divin fils dans l’Eglise et sur la société. C’est la raison pour laquelle, à Fatima, la Vierge lie la pratique de la communion réparatrice des premiers samedis et la consécration de la Russie à son Cœur Immaculé. Oui, nous sommes certains de la victoire car ce sont les paroles mêmes de notre Mère : « A la fin, mon Cœur Immaculé triomphera » (3).

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Pourquoi l’Eglise insiste-t-elle aujourd’hui sur la nécessité de faire régner le Cœur douloureux et immaculé de Marie dans notre prière et dans notre dévotion?

Loin de toute incitation à une piété sentimentale, il s’agit de l’orientation finale de notre vie : espérer en la vie éternelle, c’est espérer en un amour éternel. Jésus-Christ a résumé Lui-même sa doctrine en quelques mots saisissants : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, tu aimeras ton prochain ». Mais savons-nous seulement aimer ? Nous dénaturons l’amour si aisément… Ne méritons-nous pas de nous entendre dire par Notre Seigneur : « Ce peuple m’honore des lèvres mais son cœur est loin de Moi » (Mat. XV, 8) ? Il nous faut apprendre à aimer et, pour cela, il nous faut détruire, une à une, toutes nos idoles intérieures. Soyons certains que Notre Dame nous y aidera car son Cœur Immaculé, privilège de sa conception sans tache, a reçu le pouvoir de nous purifier. Elle sait que nous avons été rachetés à grand prix, celui de la souffrance et de la mort de son fils sur le Calvaire et, si son cœur en est transpercé de douleur, sa pureté maternelle l’incline à nous secourir.

Si Dieu a promis le triomphe au Cœur Immaculé de Marie, c’est à cause de son espérance invincible car notre Mère a espéré jusqu’au bout, envers et contre tout : au jour de l’Incarnation comme à celui du Calvaire, elle était présente, inébranlablement fidèle au milieu des cœurs chancelants, dans l’espérance toute-puissante que rien n’est impossible à Dieu et que son fils est le vainqueur du monde, que ce soit sur le Golgotha de l’infamie ou dans le Ciel de gloire.

Vivre de cette dévotion au Cœur de notre Mère n’est pas une pratique propre à notre époque si difficile. Jésus-Christ fut le premier à nous donner l’exemple : d’abord en prenant place dans ses entrailles, puis en se soumettant au doux et humble joug de ses soins et en l’appelant près de Lui au pied de la Croix pour lui confier l’Eglise naissante. L’amour auquel elle nous invite revêt cependant aujourd’hui l’aspect particulier de la compassion et de la réparation, deux attitudes essentiellement désintéressées. Notre Dame veut nous apprendre à détourner notre regard de nous-mêmes et à fournir des efforts pour Dieu, gratuits, sans attendre en retour quelque bien temporel, ce qui est trop souvent la seule prière encore admise par la croyance contemporaine. Si la contrition est nécessaire pour s’approcher de Dieu, la reconnaissance des bienfaits reçus en est le signe le plus nécessaire : « Aie pitié de ce Très Doux Cœur sans cesse martyrisé à cause de l’ingratitude des hommes ».

Mais où trouver un tel élan ? Tout simplement dans la disponibilité que la Vierge Marie nous demande pour nous entretenir dans le secret lors de notre méditation de sa vie et de ses vertus, et dans notre docile fidélité à nous laisser enchaîner à elle par la récitation des Ave Maria de notre chapelet. Des moyens si accessibles et à la portée de tous ne sont-ils pas la marque de la simplicité de Dieu ?

Le salut du monde passe par le règne de Marie Immaculée dans notre cœur. Elle nous mène à Dieu par la voie du cœur qui nous est la plus familière. Là se trouve le secret d’une espérance invincible car,


Aimer le Cœur de Marie, Immaculé et Douloureux,
Le découvrir et se laisser transformer par lui,
Voilà ce qui nous ouvrira le plus sûrement les portes du Ciel.


Avec ma bénédiction...


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(1)
- Dom de Monléon, osb
(2) - Paroles de Notre Dame à Soeur Lucie, apparitions du 13 juin 1917.
(3) - Paroles de Notre Dame à Soeur Lucie, apparitions du 13 juillet 1917.

 
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